Le livre TROUBLE[S] (édité chez livre de poche) faisait partie de la boîte GEEK 3, on vous a laissé un peu de temps pour le lire (ça prend toujours un peu plus de temps avec un livre sans image). Nous avons pu poser quelques questions aux auteurs Florian Lafani et Gautier Renault, qui ont pu nous éclairer sur leur vision des réseaux sociaux et de leur technique de travail à quatre mains.
Et vous, qu'avez-vous pensé du livre ?
- Vu le sujet du livre, quel est votre rapport personnel aux réseaux sociaux ?
Un usage que l'on pourrait qualifier de "réservé" en comparaison à d'autres personnes, en particulier ceux qui sont plus jeunes que nous de quelques années.
Cependant nous sommes très intéressés par le fait de comprendre ce que les réseaux sociaux apportent ou retirent à nos vies. Les mécanismes psychologiques qui s'organisent autour de leurs usages; ils peuvent apporter des moyens d'expression, des moyens pour s'organiser plus vite, promouvoir un travail, collecter des informations et apprendre; mais quelqu'un peut être surexposé et prendre en retour la puissance de ces outils, les réseaux en ligne peuvent faire perdre la notion du nombre et de la foule et faire perdre du temps que l'on ne retrouve jamais…
C'est dans cette direction que l'on a souhaité travailler.
- Comment percevez-vous l’avenir de tous ces réseaux ? Est-ce qu'on va atteindre un palier, voir une saturation ou est-ce que nous allons vers le tout connecté ?
Il est en effet intéressant d'essayer de se projeter et d'envisager les formes que pourraient prendre les réseaux . Il semble que l'idée de fonctionner en réseau ne soit pas près de s'estomper. L'homme a toujours eu besoin d'échanger, les nouveaux techniques permettent de le faire plus vite et avec plus de personnes. Il n'y a pas de raison de revenir en arrière.
La tendance des réseaux spécialisés par centre d'intérêt est très forte. Il est courant d'en avoir un pour être connecté à ses amis, un pour ses relations professionnelles, un pour les informations etc.
Il est tout à fait probable que nous n'ayons pas exploré toutes les applications.
Concernant le tout connecté, tous les appareils que l'on utilise peuvent être potentiellement connectés; nos montres, nos lunettes; mais pourquoi pas nos chaussures, nos vêtements, nos meubles, notre maison ... les applications peuvent être divertissantes, commerciales mais également médicales ou environnementales. Un pacemaker peut être mis en réseau, un appareillage auditif, un système de chauffage ...
Cependant ces réseaux reposent sur des technologiques qui requièrent des infrastructures réelles - électricité, serveurs, câbles... - qui peuvent, elles, tomber en panne. D'un point de vue fonctionnel, on peut imaginer une panne de réseaux qui pousserait les individus à réapprendre à vivre sans les réseaux sociaux... ce sera un retour en arrière dans le temps, de seulement 7 ou 8 ans. L'être humain s'en sortirait, sans aucun doute.
- Souvent lorsque les auteurs traitent de sujets d’actualités fortes, ils ont tendance à se perdre dans les descriptions et mettre un peu de côté le récit. Vous par contre avait réussi à camper des personnages forts (et surtout "forte") et une histoire palpitante, comment équilibrez-vous tout cela?
Merci beaucoup. Car c'est en effet un point sur lequel nous avons tenté de travailler et d'être intransigeants. Nous voulions vraiment faire en sorte que tout le monde puisse lire TROUBLE[S] sans être embêté par la complexité que la technique induite parfois. Elle est un outil et peut aider à faire avancer une intrigue, mais il nous semble que ce sont toujours bien les personnages, leurs qualités et leurs défauts, leurs émotions et leurs envies qui font les histoires.
Nous avons fait attention à ce point d'autant que nous avions été confronté à la même contrainte d'écriture dans notre premier roman, une partie en enfer. La toile de fond était le poker en ligne et les nouvelles formes d'addiction. Nous voulions absolument que ceux qui ne jouent pas au poker ne s'ennuient pas en lisant, mais au contraire saisissent quelques clés de la psychologie des joueurs, c'est-à-dire ce qui en fait un jeu pratiqué dans le monde entier, par des gens de cultures différentes et ne parlant pas la même langue. Le poker permet le développement d'une vraie "dramaturgie".
- Est-ce que le format de sortie numérique, vous a obligé à penser l’écriture différemment ?
Oui, dans la mesure où nous avions en tête cette idée d'utiliser le numérique pour publier TROUBLE[S] sous forme d'épisodes. Ainsi, nous avons tenté, autant que possible que chaque épisode contienne un début, un milieu et une fin, et, si possible, un final haletant qui donne envie aux lecteurs de passer à l'épisode suivant immédiatement.
Nous avons également tenté de présenter plus de personnages que l'on peut voir dans un roman habituellement.
- Quelle est votre méthode de travail à deux ?
Nous travaillons ensemble à construire des histoires depuis 7 ans maintenant. On peut dire que c'est une histoire qui dure!
La règle que nous avons très tôt adoptée est de ne pas mettre d'ego dans cet exercice. Si l'un apporte une idée, et que l'autre la rejette, nous sommes sûrs que c'est pour le bien du projet.
Nous avons l'habitude de passer énormément de temps à discuter de l'histoire, de la psychologie des personnages et de la structure. De la discussion viennent les idées, celles que l'on garde, celles que l'on abandonne.
Lors de ses séances, nous écrivons tout ce qui se rapporte à l'histoire. Puis nous construisons ensemble un plan très détaillé, incluant le découpage des chapitres, des scènes, des détails des descriptions. Puis, sur la base de ce plan, Florian rédige. Si le plan ne permet pas une écriture rapide, nous reprenons ensemble le plan pour le détailler davantage, puis Florian reprend le chemin de la rédaction. Enfin Gautier effectue la première relecture. Et nous discutons ensemble des besoins de réécriture.